jeudi 16 octobre 2014

Leviathan

d'Andreï Zviaguintsev avec Alexeï Serebriakov, Elena Liadova, Vladimir Vdovitchenkov (2h21). Prix du scénario au festival de Cannes 2014.

Kolia est garagiste dans une petite ville de bord de mer, au nord de la Russie. Il y vit tranquillement avec sa jeune femme Lylia et son fils Roma, qu’il a eu d’un précédent mariage.

Jusqu'au jour où Vadim Cheleviat, Maire de la ville, décide de s’approprier -de gré ou de force- le terrain où se trouve la maison de Kolia. Comme il refuse de vendre, le maire se fait de plus en plus menaçant...

Entre métaphore biblique et conte politique

Monstre marin à plusieurs têtes évoqué dans la Bible (Psaumes, Livres de Job et d'Isaïe) et dans la poésie hébraïque, le Léviathan est souvent associé à la bête de l'Apocalypse représenté sous des allures de dragon, mi-serpent mi-crocodile.

Mais Leviathan est aussi le titre d'un essai philosophique et politique du théoricien anglais Thomas Hobbes. Dans son essai qui se veut la base d'une science de la morale et de la politique, Hobbes définit un état de nature dans lequel "l'homme est un loup pour l'homme".

Le seul moyen de lutter contre l'instabilité et l'insécurité de cet état de nature serait pour les individus de se fédérer et de confier leur défense à un souverain au pouvoir absolu chargé de faire régner l'ordre au sein de l'Etat. Que deviendrait cependant le peuple dans un Etat souverain omnipotent gouverné par des dirigeants peu scrupuleux, semble interroger le film ?

Un film sombre et puissant

Métaphore biblique ou conte philosophique, le Leviathan d'Andreï Zviaguintsev est un film sombre, sans doute encore plus grave que son précédent film, Elena.

Il y a très peu d'espoir dans cette Russie de Poutine et des oligarques russes que nous décrit le réalisateur russe. Ici, la vodka semble bien être le seul remède, précieux breuvage annihilant partagé par le peuple et les nantis évoluant dans une société délétère où même la religion n'apparaît plus comme un refuge.

On en sort groggy et soulagé de vivre dans une démocratie !

jeudi 9 octobre 2014

Filmer l'histoire : discussion avec Bertrand Tavernier au Kursaal de Besançon


Invité à Besançon les 6 et 7 octobre à l'occasion d'un cycle consacré à ses films, Bertrand Tavernier a participé mardi au Kursaal à une rencontre animée par Pascal Binetruy sur le thème : Filmer l'histoire.

Devant un parterre de cinéphiles au rendez-vous, le réalisateur a évoqué avec le critique cinéma de Positif la façon dont il travaille sur un film historique avec son équipe (scénaristes, décorateurs, costumiers, chefs-opérateurs, comédiens...).

Un soin particulier accordé aux décors


Où l'on découvre le soin apporté par le metteur en scène à la recherche d'un décor qui permette l'installation de la dramaturgie et reflète intrinsèquement les événements évoqués dans le film. Ainsi, le cinéaste et son décorateur ont passé pas loin de 2 mois à chercher le tunnel qui sert de décor dans La Vie et rien d'autre (1989).

A la reconstitution, Bertrand Tavernier préfère largement l'idée d'une re-création de l'époque dans laquelle se situe l'action du film. Il explique par exemple qu'il a volontairement refusé l'utilisation des fraises dans les costumes de La Princesse de Montpensier (2010) dans la mesure où ce sont pour lui des attributs d'apparat et non des éléments vestimentaires du quotidien.

Donner une dimension physique de l'époque


S'il n'a pas évoqué explicitement le terme, le cinéaste semble en quête permanente d'"authenticité" lorsqu'il réalise un film historique, cherchant à "donner l'impression que ce sont les personnages qui écrivent le scénario". Dans La Princesse de Montpensier, le point de vue du film est volontairement restreint à ce que Marie connaît de son époque.

Bertrand Tavernier ne cherche pas à donner une leçon d'histoire mais veille avant tout à "donner une dimension physique de l'époque évoquée". Puisque Madame de La Fayette (auteur de la nouvelle) a dû se battre pour écrire, il invente dans son film une scène dans laquelle Marie de Montpensier lutte pour que Chabannes lui apprenne a écrire. "Il faut rendre la caméra contemporaine des personnages, de leurs émotions, de leurs doutes, de leurs passions", dit-il.

Si l'histoire et cette dimension "réaliste" vous intéressent, vous avez jusqu'au 15 octobre pour voir ou revoir au Kursaal la Première guerre mondiale selon Capitaine Conan et le commandant Dellaplane (La Vie et rien d'autre) ou encore l'occupation allemande vécues par Jean Devaivre et Jean Aurenche (Laissez-Passer).

A ne pas manquer également lors de ce cycle Bertrand Tavernier au Kursaal :
  • La Mort en direct (1980) avec Romy Schneider, Harvey Keitel et Harry Dean Stanton,
  • Dans la brume électrique (2009) avec Tommy Lee Jones et John Goodman d'après le roman de James Lee Burke.